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08 septembre 2010

hou !

On comptait sept tables nappées de carreaux vichy plastique. Sept tables qui séparaient les autres convives du type du fond. Il mangeait ce qu’on lui apportait à une allure minimaliste, mais mangeait tout. Des petites assiettes gondolées en inox s’empilaient devant lui, bâtissant sans le savoir une muraille de fortune. L’atmosphère était celle des diners très longs chez Solange, tout le monde se connaissait peu ou prou, de temps en temps fusaient quelques mots entre les tables, de tendres injure . Solange trimballait son gros cul  et son tablier de clients en clients, offrant un sourire généreux à chacun et surtout des petits plats en sauces. La terrasse était recouverte d’une tonnelle épaisse, sorte de vigne sauvage, qui aurait en plein jour fait croire à la nuit.

Il était bientôt onze heures du soir, les âmes attablées bien imbibées d’alcools. Ils riaient plus ou mois fort, mais riaient globalement. Sauf lui. Il finit sa dernière assiette et la poussa du bout du coude près des autres. Il piocha dans une vieille sacoche un livre abîmé qu’il ouvra  sans marque page. Dès lors il sembla disparaître. Ce qui jusqu’à maintenant dessinait à grands traits ses contours, sa silhouette, devint flou et on se savait plus si quelqu’un était assis là.

Une autre heure passa, une heure faite de soixante minutes irréelles, durant lesquelles le monde flotta, reproduisant la façon dont les mots du livre le faisaient tanguer.

Soudain une lumière traversa la tonnelle, une lumière venue de l’appartement du haut. Brusque. L’ombre de la vigne se posa instantanément sur le visage de l’homme, le tatouant de noir et de gris. Les feuilles donnaient des triangles, les branches des lignes mystérieuses. Et quelques détails végétaux, paraient son front de petits points inégaux.

Une vraie peinture aborigène, sans les couleurs. Sur sa peau de chef indien.

Véritable cartographie de leurs rêveries à tous. Le dessin de leurs songes.

 

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