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19 février 2014

tout est rivière

Sur le rebord d’un ghetto, appuyée à une balustrade, j’écoute celui-là chanter un chant dans ma langue, j’entends des mots que je comprends, et dont je comprends qu’il ne les chante pas dans la sienne. Il les chante dans la mienne. Il y a par exemple le mot liberté. Que j’entends autrement. Avec un «  r » que je ne soupçonnais pas. Je le trouve beau. Je pleure de me souvenir que ce chant-là, dans un autre monde, avait été chanté à l’enterrement d’un grand résistant qui était mon ami. Qui était mort non pas sous les coups mais de l’impossibilité à revenir parmi les hommes. Je pleure les deux bras sur la balustrade
Quelques frères font pareil.
Tout est hasard. Se trouver là. Entendre. C’est beau autant que c’est fragile autant que c’est évanescent et dans mes larmes se confondent le chagrin ravivé, la colère vaine, et la reconnaissance, me dépassant, d’être à même de vivre cet instant.

 

Chose que tu as vécue vraiment, est chose  présente, vraiment.

 

L’autre fois, j’entrais dans un kiosque clandestin, j’y apprenais la mort d’A.D, et nous réfléchissions, nous réfléchissions, au lendemain, à ce qu’il fallait dire dans ces cas-là, de quel courage il était à propos de parler. Le vieux me regardait et nous convenions d’une règle : A.D n’en aurait que faire, où elle était, de nos nécrologies en pleine page. S’il y avait quelque chose de sensé à entreprendre, c’était penser, penser, sans transition et sans relâche, aux murs qui tenaient encore bien debout.  S’il était quelque chose de sensé à entreprendre, c’était « ouvrir » le lendemain, sur nos ségrégations à l’œuvre, sur nos arpatheids très vivants, sur nos ghettos confortables, sur nos haines parfaitement réparties.

 


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