15 novembre 2015
des forces aveugles qui ne sont qu'élan
Le fort n'est jamais absolument fort ni le faible absolument faible, mais l'un et l'autre l'ignorent. Ils ne se croient pas de la même espèce; ni le faible ne se regarde comme le semblable du fort, ni il est regardé comme tel. Celui qui possède la force marche dans un milieu non résistant, sans que rien, dans la matière humaine autour de lui, soit de nature à susciter entre l'élan et l'acte ce bref intervalle où se loge la pensée. Où la pensée n'a pas de place, la justice ni la prudence n'en ont. C'est pourquoi ces hommes armés agissent durement et follement. Leur arme s'enfonce dans un ennemi désarmé qui est à leurs genoux ; ils triomphent d'un mourant en lui décrivant les outrages que son corps va subir. En usant de leur pouvoir, ils ne se doutent jamais que les conséquences de leur actes les feront plier à leur tour.
Telle est la nature de la force. Le pouvoir qu'elle possède de transformer les hommes en chose est double et s'exerce de deux côtés ; elle pétrifié différemment, mais également, les âmes de ceux qui la subissent et de ceux qui la manient. Cette propriété atteint le plus haut degré au milieu des armes, à partir du moment où une bataille s'oriente vers une décision. Les batailles ne se décident pas entre hommes qui calculent, combinent, prennent une résolution et l'exécutant, mais entre hommes dépouillés de ces facultés, transformés, tombés au rang soit de la matière inerte qui n'est que passivité, soit des forces aveugles qui ne sont qu'élan.
L'ILLIADE OU LE POEME DE LA FORCE________ SIMONE WEIL
16:30 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Merci...
Écrit par : Ninh | 15 novembre 2015
La constance de la vie est et sera plus forte que tout.
Écrit par : avio | 21 novembre 2015
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