05 janvier 2011
les miettes
Elle pousse la porte qui, aubaine, ne grince pas. Une sorte de pantalon lui sert de pyjama, et une chemise aussi mousseuse, même couleur, même matière, brodée de figurines japonaises, lui tombe sur les épaules.
Elle est petite. Elle a de petites épaules. Très douces et qui sentent l’amande. Elle a les cheveux emmêles, et un élastique pâle qui hier soir lui dégageait la nuque dans une très précise et gracieuse queue de cheval, pend ce matin, au bout d’une mèche légèrement plus blonde que les autres. Avant elle avait des boucles. Avant quand elle est toute petite, petite, quand elle avait d’encore plus petites épaules.
Elle passe la première porte vitrée. Sur la table, on a regroupé la corbeille de pain, quelques couverts sales, un plat de clémentines, une boîte de chocolats. Truffés, mignons et rayés de blancs. Cela fait comme une colline de choses riches. Une petite colline d’enfants gâtés.
Elle passe son doigt dans la corbeille de pain, le porte à sa bouche, le mouille, repasse son doigt dans la corbeille de pain et ramasse ainsi l’ensemble des miettes. Pour ne rien quitter de ce qui dans vingt ans la laissera rêveuse et nostalgique. Pour mettre dans ses poches, le moindre souvenir d’un matin de Noel, alors que tout le monde dort, que les cadeaux faute de n’avoir pu attendre, furent déballés en hâte hier soir. Que la buée sur le vase trahit le froid de dehors et que le sapin clignote, clignote, clignote.
Comme ses yeux pas tout à fait, encore alourdis de sommeil. Comme son enfance, à demi passée, à demi à venir. Clignote, clignote, comme les guirlandes tendues d’un poteau électrique à un autre, faisant de l’allée du village, une reproduction calme et à échelle d’enfant
des champs élysées les plus déserts.
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