28 juin 2011
photo trouvée_ inspiration autour _ John Stezaker _ Mudaaaaaaaam
Je l’avais trouvée cette photo, je l’avais trouvée différente. Pas comme celle que j’achetais habituellement au brocanteur. Je trouvais qu’elle avait une sorte d’âme quelque chose qui la dépassait, me dépassait moi-même, dépassait la photographie en général. Dessus, en noir et blanc, un homme était penché sur son piano tandis qu’une femme regardait ailleurs, et le piano reflétait le visage de la femme. La femme devait être la muse, secrète ou avouée, de ce musicien là. Et le musicien, un de ces hommes au cœur tendre, incapable de le dévoiler.
J’avais rapporté la photographie à l’appartement et déposée dès mon arrivée sur le piano noir dans la grande salle. En la posant je la mis à l’envers ce qui en changeait tout le sens. Le reflet de la femme était maintenant au dessus de la figure du pianiste et le regardait d’un peu plus haut. L’inspiration supposée surplombait le musicien, et la musique elle même donc. Cela m’avait fait sourire, et cela à vrai dire me convenait bien mieux ainsi. La photo prenait une autre allure. Un air étrange, comme révélée. Peut être ce cliché m’avait-il attiré pour la simple et bonne raison qu’il cachait en lui même sa propre révélation.
Le soir suivant quelques amis vinrent diner à l’appartement. En passant devant le piano ils remirent la photo à l’endroit, croyant là, me rendre un petit service. Je m’empressais derrière eux de remettre l’image dans le sens qui me paraissait le bon, à l’envers donc. LA scène se répéta plusieurs fois. Combien furent –ils à vouloir rétablir le bon sens de la photographie ?
Quelques mois passèrent. Je décidais de l’encadrer. De l’accrocher ainsi au dessus du piano. Elle serait comme ça, à jamais. Conforme au premier mystère qui me l’avait faite ramasser.
15:37 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : marie richeux, john stezaker, mudam, polaroid
Commentaires
Démonstration très réjouissante !
Et Nadja l'emportera toujours sur Breton, justement pour les raisons évoquées dans votre texte.
Une autre lecture (possible) : de ce que je peux en distinguer, le regard de la femme, lorsqu'elle est en haut et en reflet, semble se diriger vers la main du pianiste. Ainsi les deux personnes, plutôt que d'être l'un 'créateur irrespectueux' et l'autre 'muse plastique', en deviendraient regards conjoints vers une musique, vers un même objet... Plutôt que de renverser la situation, c'est la situation qui, en se retournant, nous dévoile une égalité qu'on n'aurait pas soupçonnée. Ils sont complices !
Mais en tous cas, j'aime énormément ce léger renversement !
Écrit par : Merlin | 29 juin 2011
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