21 mai 2015
la pâte molle dans la bouche de celui qui a dormi au désert.
Une tempête de sable défait sans douceur ce que la lune avait
calmement mis en place et rendu observable. Tout est bientôt
recouvert, uniforme et indistinct. À partir de maintenant la ville
ne dira plus son nom. Désormais, qui foulera le sol foulera la
roche, et aura la pâte molle dans la bouche de celui qui a dormi
au désert.
Parfois le vent redouble de force et crée des accidents dans les
coins. Il fait chanter les gouttières comme des flûtes, et les
bouches de métro vides sont un orgue d’église pour lui. Parfois
le vent chante comme chantent les loups au désespoir, et les
chiens qui sont des anges et n’ont pas l’art de pleurer.
Les lumières bleues intermittentes des cantines et des petits
hôtels à putes n’ont qu’à bien se tenir au croisement lointain,
il s’en faudra de peu, tout à l’heure, pour
qu’ils disparaissent comme le reste sous la couche de sable
énervé.
Le vent redouble de force et fait claquer les portes, brise les
cloisons du moindre rêve.
Tout à l’heure la population de la ville n’aura plus son nom. On
dira roche, caillasses, on dira l’épaisseur de ce qui a recouvert.
On dira l’odeur des chevaux morts au combat, l’horreur des fils
morts au combat. On dira "J’ai perdu mon nom contre rien qui en valait
le tourment et j’ai tapi l’amour dans un endroit secret".
12:33 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Très évocateur.
Écrit par : collignon | 21 mai 2015
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