27 juin 2016
Il se trouve qu’il y a dans un coin un harmonium abandonné
" Elle a raison, on n’est pas obligé de tout dire et puis parler en marchant ce n’est pas pratique. Elle ne dit toujours rien, on marche dans un jardin ultrachaud, mouches bourdonnantes, ouragan d’arbres vert sombre, chemise de jour en grosse dentelle, un paysage cultivé et sauvage en même temps. C’est exactement ce qu’on veut. Prairies mosaïque, chaleur énorme, trajet assez long dans un jardin fouillis et crac, on se retrouve nez à nez devant la maison, enfin, la maison parfaite, la magie normale accessible à tous. Ferme puritaine Old England, bibliothèque remplie jusqu’au cou de livres, petites aquarelles de fleuves gris, objets quotidiens devenus gravures sur bois, grosses poutres et odeur de grange, cabane géante au bord de la forêt, je suis comblé, lui dis-je, et on s’embrasserait.
Sexe doré.
On infuse l’après-midi dans une baignoire de bois remplie d’une grosse pelletée de feuilles de tilleul. J’aime son appareil de vision.
J’aime sa peau et ses tendons.
La manière extraordinaire avec laquelle ses nerfs articulent son visage.
L’amour chez les Sioux, je lui dis pour rire.
Ah vous êtes chanteuse.
Je ne savais pas.
Bon.
Je défonce à coups de hache un petit bonheur-du-jour en bois de violette. La marqueterie ressemble au bois précieux d’un violon. Je reconstruis. Luthier maison. Je colle, je coupe, aussitôt dit, aussitôt fait. On joue. Il se trouve qu’il y a dans un coin un harmonium abandonné, on se fait des cantates à deux en réduction.
Il y a des touches avec voix d’ange.
On pédale pour faire respirer le petit orgue.
On pense à l’été, on pense à l’été du point de vue de l’hiver, on rêve à l’été. On s’agrandit, comme le cœur qui gonfle, ou les bras s’ouvrent, afflux de larmes, sternum relâché, abdomen d’abeille, vive les comparaisons, j’ai des ailes de libellule. En calque veiné et plume de soie. Elle me fait penser à quelqu’un qui sans le savoir, importerait dans une campagne moyenne, belle, mais à petite dimension, un paysage énorme comme ces parcs où l’on reconstituait avec quelques rochers au centre des villes une impression de montagne en accéléré. Faisons comme elle, agrandissons, prenons le large, vacances, abandonnons les détails. Grue gigantesque, ballon, on lâche les sacs de sable et on se retrouve en haut. "
un mage en été ____ olivier cadiot
16:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.