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24 septembre 2011

je te maudis

Je me tiens au bout de la falaise. Mes mains sont glissées dans la vareuse. Mes mains sont abîmées d’avoir construite de bois et de terre, cette maison pour nous deux. Pour que nous y lisions en paix. Pour que nous regardions grandir les enfants de nos femmes.

Et quand les nuages gris grondaient, je construisais.
Et quand les cloches de l’église appelaient les hommes en âge, je faisais le sourd.
Et quand je voyais déjà venir te chercher les bateaux, je construisais cette maison.
Je ne l’ai pas faite pour rire. Je l’ai bâtie aux vents, en lutte, en amour avec eux. Si tu t’en vas je me tais.

La guerre même sur les eaux me laissera sans voix, comme les animaux terrés, comme les idiots du village.
Je n’aurais plus de langage… Je n’aurais pas non plus la fierté du déserteur, j’aurais l’orage au cœur du frère de celui qui part.
Mais si tu t’en vas, si tu t’en vas vraiment, alors tu sors d’ici. De ce que je sais, les hommes ne reviennent pas. Ils vont, et vont d’un autre sens. Si tu t’en vas, tu n’es plus mon frère.
Donne leur ta force, tes poignets, tes épaules pour les fusils, mais oublie la maison qui retourne à  la terre dès que je l’aurais dit.

Je m’assiérai calme, près du foyer, au bois brun de la bibliothèque. Je chercherai aux phrases des autres ce qu’il reste d’union et d’amour à sonder. Je ne guetterai pas ton retour.
Je suis debout, à la falaise, et ce n’est pas non plus ton départ que je guette.