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29 septembre 2011

.......................... (c) ROMAIN BERNINI ::: LOnely Riot

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Avant c’était un mur contre lequel on jouait à la balle. Un mur dur, peint en bleu contre lequel nous envoyions cogner toutes sorte d’objets ronds. Avant ici, on riait. Avant nous étions enfants, et la guerre n’était pas la même. Si tu regardes dans le coin, tu te souviendras que nous construisions de nos mains de petits châteaux de sable, sur lequel personne n’aurait osé soufflé, et ces batards ont marché dessus en gros godillots.

Il est fou de rage. Son bras s’abat, ses muscles lourds se laissent choir comme du plomb, il lance, et nous n’avons pas vu ce qu’il lance, il est dans la fumée rose, il veut faire croire que sa colère est muette.
Mais on le connaît. Ses joues rondes, qui pointent au dessous de la barbe, la chemise entrée dans le pantalon pour ravir sa mère. Son bandeau de tissu pour tenir les cheveux qu’il a laissé pousser. On le connaît, on sait comme il boue.
Sa rage c’est la notre et si elle est rose c’est qu’elle est pourrie et radioactive. On vous aurait fait imprimer un carton d’invitation pour notre belle émeute du cœur, vous ne seriez pas venus,  alors on a commencé la fête sans vous.
On a fait pété les fusées solaires, on a fait déborder la piscine et on a même brûlé les livres en pleurant.

Avant c’était un mur contre lequel on jouait à la balle. Un mur dur, peint en bleu contre lequel nous envoyions cogner toutes sorte d’objets ronds, en dansant. Aujourd’hui il n’y a que la fumée pour danser. Le mur est monté trop haut.

24 septembre 2011

no reply dit-il

Après la clairière, il y avait ces deux trois lattes de bois qui faisaient une maison,
et dans cette maison une chaise, et pour cet homme un coin chaud.
Il était assis, n’avait en rien touché à la lumière et, la pièce s’éclairait par intermittence.
Son visage, ses joues, la naissance de sa barbe, n’avaient pour ampoule, qu’un bout d’astre. Avec la main il caressait le  mur plein d’échardes, avec la main encore, il cherchait des yeux pour voir. Personne n’a vu mes yeux, par hasard ?
Dans le silence sa voix lui revint, à peine augmentée de l’écho, un drôle de râle.
Alors il chercha ses mains, quelque chose comme ses mains, pour toucher de nouveau… Mais rien ne vint ni les mains, ni la réponse.
Au dessus du bois quelques étoiles lui faisaient une couronne.  Quelques oiseaux de nuit ne se reposaient pas. Quelques bruissements de feuilles chuchotaient que le monde est vivant. Il osa, en criant, personne ne m’a vu, c’est ça ?
Je me cherche moi.
La voix se cogna à peine aux parois de la pièce et l’enveloppa comme une couverture froide.  C’était du silence autour, de ce silence brunâtre si difficile à peindre…

je te maudis

Je me tiens au bout de la falaise. Mes mains sont glissées dans la vareuse. Mes mains sont abîmées d’avoir construite de bois et de terre, cette maison pour nous deux. Pour que nous y lisions en paix. Pour que nous regardions grandir les enfants de nos femmes.

Et quand les nuages gris grondaient, je construisais.
Et quand les cloches de l’église appelaient les hommes en âge, je faisais le sourd.
Et quand je voyais déjà venir te chercher les bateaux, je construisais cette maison.
Je ne l’ai pas faite pour rire. Je l’ai bâtie aux vents, en lutte, en amour avec eux. Si tu t’en vas je me tais.

La guerre même sur les eaux me laissera sans voix, comme les animaux terrés, comme les idiots du village.
Je n’aurais plus de langage… Je n’aurais pas non plus la fierté du déserteur, j’aurais l’orage au cœur du frère de celui qui part.
Mais si tu t’en vas, si tu t’en vas vraiment, alors tu sors d’ici. De ce que je sais, les hommes ne reviennent pas. Ils vont, et vont d’un autre sens. Si tu t’en vas, tu n’es plus mon frère.
Donne leur ta force, tes poignets, tes épaules pour les fusils, mais oublie la maison qui retourne à  la terre dès que je l’aurais dit.

Je m’assiérai calme, près du foyer, au bois brun de la bibliothèque. Je chercherai aux phrases des autres ce qu’il reste d’union et d’amour à sonder. Je ne guetterai pas ton retour.
Je suis debout, à la falaise, et ce n’est pas non plus ton départ que je guette.