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12 janvier 2011

Charlie oh Charlie

Charlie a quarante ans depuis deux mois. Charlie n’a pas de femme attitrée, personne qu’il peut en tout bien tout honneur présenter à ses oncles. Pas d’enfants non plus, ce qu’il ne regrette guère. Charlie tourne treize fois sa langue dans sa bouche avant de parler, parce que sept, au final, ça fait peu et ne met pas à l’abri d’une bourde. Charlie a pris part sans une certaine lassitude aux fêtes familiales, s’est assis, comme les autres, autour de la table décorée. A défait le petit ruban qui tenait son menu, a lu le menu qu’il connaissait par cœur, puisque ses tantes le lui avaient récité de long en large, depuis le tout petit matin. Il avait mangé les coquilles Saint Jacques en hochant de la tête chaque fois qu’un des convives prononçait le mot « goutu » ou « divin » ou « tout simplement succulent » et il en avait fait de même lorsque le foie gras lui fut présenté dans une coupelle d’argent.
A l’heure des cadeaux, il avait pris soin de placer ses vieilles charentaises, gardées plus pour l’humour que pour les pieds, sous un sapin qui battait déjà de l’aile. Et à l’heure des cadeaux toujours, son cœur s’était mis à cogner un peu plus haut, un peu plus fort qu’à l’habitude… Il avait déballé un paquet anormalement longiligne. Sorti une guitare électrique. Rouge s’il vous plaît. Signée d’un éclair pour que l’ensemble des clichés soit réuni. Avait passé la sangle derrière ses épaules, et devant les yeux ahuris de l’assemblée très rangée, s’était mis à mimer un solo endiablé, électrique, fou, partition imaginaire et inaudible qui aurait fait se dresser sur la tête, les cheveux de quelques uns qui le regardaient tout sourire.
Charlie, quarante ans depuis deux mois. Pas de femme attitrée, pas d’enfant, ce dont il se plaint guère. Mais une guitare électrique, waouh, glissé par un lutin, qui a en croire les yeux bulles de Charlie, fut divinement inspiré.

 

Commentaires

Charlie & sa stratocaster se perdront-ils "dans le dédales des rues" ?

sinon, je tiens une fois encore à rendre un hommage certain à l'un de mes professeurs de lettres, au collège, qui conseillait toujours à ses élèves, avant de parler, non pas de tourner sept fois leur langue dans leur bouche, mais "sept fois (leur) langue autour de (leur) oreille..."
ce qui, n'en doutons pas, évita quelques désagréments à mes anciens camarades, assurément...

Écrit par : bertfromsang | 17 janvier 2011

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