31 janvier 2011
si les manteaux piqueurs
Si t’as les yeux ouverts,
c’est déjà qu’il fait beau
que les manteaux piqueurs s’exercent sur ton trottoir.
Depuis des mois, dans la boue de l’automne, dans la neige de janvier, dans la terre sèche du mois d’août, des hommes ont d’abord ramassé les herbes hagardes et les gravats, seule végétation de ce terrain laissé vague, cela fait plus de quinze ans. Puis d’autres hommes, les mêmes peut être, sont venus en camion, on fait grimper des grues, ont mis en marche des bétonneuses, ont monté des grillages tout autour du terrain, ont accroché des panneaux, des permis de détruire... Tous les matins, par la fenêtre, bien après que ton premier corps ne se soit étiré, tu les vois par la fenêtre : ils travaillent, cela s’appelle travailler. Ils ont des manteaux différents les uns des autres, et à l’inverse des chantiers que tu voyais enfant, ici ils n’ont pas de combinaisons similaires et kaki, rien qui les feraient appartenir à quelque chose de collectif.
Pourtant, à dix heures précises, lorsque ta cafetière à toi, refait passer du café chaud. Ils s’assoient un instant, cessent les outils bruyants, les font taire comme on tue. Ils s’assoient sur un morceau de grillage plié et, selon les cas, mangent un sandwich ou fument une cigarette. Si t’as les yeux ouverts c’est grâce à eux. A leurs manteaux chauds et dépareillés. A leurs marteaux piqueurs sur la chaussée.
Demain tu râleras une seconde avant de les rejoindre à la fenêtre. Toi qui spectateur ne voudrait pas que la tour en préparation ne se construise trop vite, ne voudrais pas que l’on supprime ton théâtre quotidien.
Si t’as les yeux ouverts, c’est déjà qu’il fait beau, que les manteaux piqueurs s’exercent sur ton trottoir.
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