07 juin 2011
chouchou du clos.
Le dîner fut donné tôt comme tous les soirs. Si tôt, que les estomacs à la longue ont fini par avoir faim à la bonne heure. Après manger, quelques résidents comme on les appelle, ont regardé béats un gentil programme télévisé, pendant que d’autres, plus vifs, ont feuilleté les journaux entassés dans le salon commun. C’est calme. Un léger vent d’ennui souffle sur les têtes qui s’est transformé avec les années en une résignation silencieuse. A vingt et une heures, les aides soignants ont invité ce beau monde à rejoindre leur chambre, et de dehors, on a vu les lumières s’éteindre une par une comme les lampadaires de la ville au petit matin.
A présent, tout le monde dort ou presque. Dans les lits reviennent les années enfuies, et les quelques cauchemars restés intact avec le temps. Jacques, 84 ans, dit qu’il fait le même chaque nuit. Alors il se lève et déambule à la lueur des issues de secours, à la recherche d’une oreille à qui le raconter, une millième fois. Dans la salle des soignants de garde, une petite radio marche toute la nuit. La porte ouverte laisse s’envoler les voix du poste dans les couloirs. Jacques les entend. Elle le guide. Il s’y accroche comme d’autres se cramponnent à leurs déambulateurs. Il aime les voix radiophoniques autant que ce petit moment volé. Au bout duquel il s’assoit, au milieu des aides soignantes, qui selon l’humeur, lui font une tisane, ou lui massent les pieds. Jacques est le chouchou du clos des Lilas. Chanceux dans sa déveine et fidèle au poste. C’est ce cauchemar en somme qui le garde vivant.
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