24 mars 2012
ce que tu pleures je l'ai pleuré
Il est assis et tient sa tête dans ses mains. Disons que sa tête pèse sur ses poignets qui pèsent sur ses coudes qui pèsent sur la table. Mais la table est solide.
Sa mère lui a servi un chocolat chaud, avec trop de lait et trop de chocolat comme lorsqu’il était enfant. Et il ne l’est plus. Et il pleure. Très doucement. En regardant comme les tours paraissent pareilles dans l’encadrement de la fenêtre. Ce n’est pas à cause des tours. On pourrait croire mais ce serait facile. Ce ne sont ni les tours, ni le parking qui le font pleurer ce matin.
Sa mère se lève et entreprend une rapide vaisselle, sort puis rejoint la cuisine, plie des torchons, nettoie le four. Elle est le papillon, il est la vielle ampoule.
Des larmes coulent sur ses joues, et dans son sweat à capuche. La mère dit qu’elle ne les voit pas. Tout dans son agitation dit, comme marqué sur un carton de cinéma, je ne les vois pas tes larmes, vas-y mon grand. Et elle tourne autour, nourrissant l’illusion. Et elle finira par s’asseoir tout à l’heure, sur l’autre chaise qui fait face à la fenêtre. Lui n’aura pas bougé et pas bu une lampée de son chocolat chaud et il fera jour comme jamais. Et le soleil les bénira tous les deux. Elle finira par s’asseoir. Elle respirera calmement. Elle sentira sur elle, les trente trois ans qui la sépare de cet enfant devenue jeune homme. Ce qu’il pleure aujourd’hui elle l’a pleuré, il y a longtemps et le lui dire ne consolerait rien. Elle reste assise. Silencieuse, elle efface son carton de cinéma. Elle voit les larmes de son fils. Ce sont des larmes qu’il faut faire couler. C’est tout ce qu’elle sait, alors elle attend.
17:20 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
ce texte me touche. beaucoup.
Écrit par : peekaboo | 25 mars 2012
magnifique, juste magnifique texte... chapeau ... et c'est Dominique Fabre qui en aura bénéficié !! sûre qu'il était tiré de son livre, je l'ai aussitôt commandé !!
Écrit par : dominique | 05 avril 2012
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