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28 décembre 2010

juste là

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07 décembre 2010

mais pour où ?

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Le couloir est très propre. Rien devant rien derrière. Rien sur les murs qui pourraient distraire…que du crépi beige tirant sur le saumon. Odile marche, met un pied devant l’autre avec une application déconcertante. Elle compte ses pas. « Et de trois, suivi de quatre, et de vingt sept et de vingt huit ». Lorsqu’elle touche la porte qui ferme le service, ne tente pas de la pousser ni de passer un œil dans la vitre brumeuse, fait simplement demi tour et recommence le compte. Elle présente sereine et souriante et entremêle maintenant ses chiffres de petites comptines dont elle semble aller chercher les mélodies au plus profond derrière le crâne, dans la piscine sans fond de la mémoire. Très très loin, il y a mille ans. Elle porte cette robe de chambre mohair qui commence à faire sa réputation, ses cheveux sont bien coiffés et sa peau est encore lumineuse malgré les nombreuses marques du temps.  « Trente sept, trente huit » compte-t-elle, toujours sûre de ses deux pieds. Alors une jeune femme entre dans le couloir, son âge divisé en quatre. « Bonjour Odile ». Quelque chose se trouble dans le regard de la vieille femme. Elle s’approche. Passe une main sur le visage lisse de l’infirmière qui ne bouge pas. S’approche d’avantage, caresse de nouveau la joue, et le corps de la jeune femme s’est arrêté de bouger comme pour ne pas empêcher le retour fulgurant d’une mémoire qui n’a plus aucun ordre. Odile parle maintenant dans son menton, rien n’est audible sinon une liste de prénoms féminins qui ont remplacé les chiffres des pas. Alors que la lumière automatique du couloir vient de s’éteindre, elle pose sa tête et ses cheveux blancs comme la neige sur la poitrine rebondie de l’infirmière de garde.
Et puis tout sourire elle s’en va.

 

pointillés de démarcation

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Une étendue sèche. Immense. Avec horizon mais sans aucun relief en dehors des cabanes de taule ondulée. Des cabanes sur lesquels on accrocha en hâte et au fil de fer des pancartes rouges et blanches, coca cola forever everywhere, pour toujours buvez frais. J’invente.


Deux hommes sont assis devant l’une des cabanes. Les fesses maigres sur un bidon de plastique. Le bidon est vide et attend les prochains passages des camions bringuebalants pour se remplir de fuel, pas gratos mais presque. Sorte de pourboire pour passer la frontière. Sorte de denrée rare qui sera revendue au compte goutte un peu plus à l’intérieur du pays, ou servira bêtement à faire marcher les mobylettes, qui ne me demandez pas comment, ont atterri ici, entières et valides.

Les deux hommes ont des casquettes en toile sur le crâne, une moustache correctement taillée tout autour de la bouche, et des joues qu’ils ont rasé avec un peu d’eau et du savon, devant un rétroviseur, lui aussi attaché au fil de fer sur la paroi du cabanon. Les deux types se parlent, ou font glisser de leurs poches à leurs lèvres des cigarettes très sèches. Alors ils suivent la fumée des yeux. La fumée vagabonde qui passera l’air de rien d’un pays à un autre, puisque c’est une frontière qui se dessine invisiblement à l’horizon.

La fumée, qui fera comme l’oiseau blanc, planant juste au dessus des lignes que les hommes ont tracé, lignes qu’il faut survoler pour en croire ses yeux.


Faire


comme

l’oiseau.

 

faudrait les voir sauter

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Une seule route mène à la vieille ville et au port de Dubrovnik. Une seule route bordée de criques invisibles. Difficiles à atteindre et sans plages aucunes sinon les plateformes en béton, construites à même les falaises, conçues comme des paliers, des excroissances perpendiculaires.  Trois jeunes hommes sont debout sur l’une d’entre elles. C’est assez haut.
L’eau, si l’on pique du nez. L’eau, si l’on ravale son vertige comme un cachet ma dégrosse, l’eau est d’un bleu inconnu au bataillon. L’eau est turquoise comme sur les photos promesses. Les trois gaillards ont peu ou prou le même corps élancé. Les muscles saillants et recouverts d’huile solaire. Ils ont pile poil dix huit ans, quelques chicots en moins sur les mâchoires. Une chaine en or suit le dessin des quelques poils qui ornent leurs torses et au bout de la chaine, un christ, presque deux fois leur âge, sur une croix. On sait comment, on sait pourquoi.
Sur le béton leurs trois serviettes sont alignées, détrempées et solides à cause du sel. Elles sont criardes de couleurs et affichent trois princesses, comme ils disent, en maillots elles aussi, mais pas en relief. Au bout des serviettes et en guise d’oreillers, trois sacs à dos, qui auraient pu, vue l’heure et le jour, être des sacs d’école… mais on repassera pour les détails. Les trois gars s’élancent sûr d’eux, lents, faisant s’étirer le temps aussi élastique que les chewing gums qu’ils écrasent un par un sur la roche. Faudrait pas les avaler quand même.
Ils se regardent. Arrivent au bout du carré de béton. Leurs orteilles mordent dans le vide. Le premier embrasse son petit Jésus, le second idem, le troisième itou. Rendent les choses importantes et solennelles. Font le décompte, écartent les bras en croix, trois, deux, un...