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30 mars 2011

opéra punk

Capitale. Place de la bastille. Motos, voitures vélos, autobus, vont, un peu comme bon leur semblent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Juste au dessus de la station des taxis, le point de rendez-vous par excellence, donc d’attente, l’Opéra. De nombreuses marches grises anthracite montent comme un col froissé d’une petite place aussi grise sur laquelle furent implantée deux terrasses de café fréquentées l’été, à moins qu’elles ne préexistaient. Certainement d’ailleurs. Sur ces marches, principalement des gars. Principalement en dessous de trente ans ou autour, principalement une bière à la main… Allez savoir pourquoi ces marches plutôt que d’autres réunissent plutôt que d’autres ce que Paris compte encore de punks à chiens. Aussi sec sur muscle, que grunge, que jean déchiré, qu’il s’agit de l’être lorsque l’on veut bien faire les choses. Ils sont là, couverture de laine motif écossais, cheveux plus long que la moyenne et berger bâtard au bout d’une corde offrant tendresse à qui veut bien recevoir. Un bar rock à ciel ouvert, dans cette ville qui gomme à peu près tout ce qui dépasse, ce qui s’allonge sur les bancs, ceux qui ne prennent pas les couloirs de métro dans le même sens voire attendent sur les quais.
Ce jour là, deux types ont étalé un drap sur le bitume. Dessus sont disposées plusieurs objets en fil de fer. Une fleur, une deux chevaux, un saxophone, re-une fleur. Derrière le drap et assis sur les marches, une brochette de trois jeunes hommes, deux frères, et un autre. Ils m’interpellent, on discute. Ce qui m’exaspère tu vois c’est quand les gars te disent, je vais chercher de la monnaie, je reviens, et qu’ils reviennent jamais évidemment. Ça me rend dingue. Il me dit cela en tanguant sur ses deux pieds. Ses yeux un peu jaunis ressortent de sa peau noire. Il y a quelque chose en lui, prêt à déborder. La goutte sur le vase, vous savez. Ce ne serait pas de l’eau en l’occurrence. Mais de la détresse au goût malté.

 

 

 

29 mars 2011

kamel daoud

c'est une idée.
avec aussi marc augé. latifa laabissi. mike ladd. jean paul roussillon est mort, j'arrive toujours après les autres. dominique fourcade sur les platanes. michel butel, impossible. peter galison.

je tombe sur un autocollant impossible à dissocier. c'est bien ma veine. elle est crevée. magnétique et crevée.

sorry

j'ai fait une certaine rétention des textes des Polaroids que je lis chaque matin. je vais faire une livraison très bientôt d'un seul coup, séance de rattrapage. je sais pas faire autrement. ça signe l'exacte rythme de ma disponibilité numérique. c'est assez signifiant au final.
qui avait dit que je parlerais pas pour de vrai. moi. et alors. qu'est-ce qu'on fait maintenant.on change rien.

oh

si on poste une lettre par semaine,

qui la lit ?

mais sérieusement

26 mars 2011

qui connaissent la musique

qui sont courageux par intermittence lorsqu'ils ont le temps lorsqu'ils n'ont exceptionnellement rien d'autre à faire,
qui vous rappeleront pour vous expliquer,
qui n'expliqueront jamais car ça prend du temps et qu'il n'y a rien à comprendre, qui n'ont pas peur de tout réduire, de tout faire en petit, pas pas courage,
qui préfèrent le théâtre qui préfèrent la jouer dramatique, tragique si possible avec les dialogues, qui ne souhaitent pas économiser en secret des charges légères d'émotion pour le coeur et l'intérieur du crâne
qui préfèrent quand c'est voyant quand c'est bruyant,
qui ne se soucient pas ou peu ou plus tard de la brutalité du geste et du non geste,
qui ne vont pas au bout du bout du geste,
l'objet, pourtant, de la grâce qu'on leur attribua d'abord.

10 mars 2011

à point.

  Le dérèglement c’est le corps.
Ce qui boite, ce qui fait mal, tient mal, l’épuisement du souffle et le miracle de l’équilibre.
Pas plus que l’homme la musique ne tient debout.
Les corps ne sont pas encore bien réglés par la loi de la marchandise.
Ca ne marche pas. Ca souffre. Ca s’sue. Ca se trompe. Ca échappe.
Trop chaud, trop froid, trop près, trop loin, trop vite, trop lent.


Et malgré tout, ça veut tenir, ca s’acharne encore, encore un peu, encore un peu plus.

 

 

Et encore un matin, je rajouterai.

 

P.Carles, et JL Comolli, Free Jazz, Black Power. Folio, 2000.

08 mars 2011

noire sur les bords

  

Une pénichhantai.jpghantai 2.jpge noire de charbon,
noire sur les bords
noire encore
fend l’ea
 u très sombre de la Seine.
Rien ne s’annonce du jour qui vient. Rien qui ferait penser que la lumière tout à l’heure viendr
 a claquer sur le fleuve. Rien comme du silence visuel. Comme la courbe atone d’un cœur de ville éteint.
Seul ce bateau qui avance  sans bruit, faisant plier l’eau sous son poids mais paraissant ne la toucher qu’à peine.
Il est lent et long. Le charbon qu’il transporte forme une petite montagne sur son dos qui se distingue à peine dans la nuit où tout le monde surnage.
Pas un homme à bord. Un homme à bord bin sûr, mais un homme invisible lui aussi, dont on ne pourrait au mieux qu’apercevoir le brasier d’une cigarette, mais qui à cette heure ne s’est pas remis à fumer. Un marin d’eau douce, il en reste.
La péniche baisse la nuque en passant sous les ponts pour que rien ne racle. Pas question de toucher au silence brumeux. Note épaisse et monocorde, de laquelle émerge des cornes de brume imaginées pour l’occasion,
sur une mer que l’on voudrait plus grande encore, noire comme du pétrole inoffensif,
profond comme une cicatrice de Simon Hantai.
Sur les bords, la pierre refroidie par la nuit, les mouettes dorment encore. On cherche des yeux, celle que l’on connaît, la favorite, la rieuse, celle qui a la plus désobéit, et quand on la dépasse, silencieuse et discrète,
des yeux, on la bénit.

 

05 mars 2011

cloclo is not dead anyway

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Servane habite depuis vingt sept ans rue du clos près du périphérique, ça ne s’invente pas.
En 2003, lorsque ses enfants sont partis, elle a échangé son appartement avec la famille de Solène. Son quatre pièces contre un grand studio sans le dire aux HLM, qu’ils fassent pas chier. Servane a aménagé son balcon avec de petites plantes, des nains en terre cuite, et une lampe qui fonctionne avec la lumière du soleil le soir.
Servane aura soixante dix ans à la fin de la semaine. Ses murs sont recouverts d’une fine moquette rose foncée. Et par dessus la fine moquette une série de cadres avec les petits. Sofia, Nell, Kacem. Les petits des petits.
Regarde pas le ménage répète Servane comme si elle était rayée. Regarde pas les recoins, je savais pas que tu allais venir.
Servane savait. C’est la raison pour laquelle tout est aussi propre.
Elle me dépasse dans le couloir. Tu viens ? Je viens. Les murs toujours recouverts de moquette, et juste avant la chambre, dans un format longiligne, couleurs criardes et passées, ne Me demandez pas comment, arraché d’un magazine résistant des années 60, un portrait en pied de Cloclo himself / est accroché à hauteur d’homme. La mort de Claude François, Servane n’y croit pas, n’y a jamais cru, ça fait partie du lot des choses qu’ils inventent, me dit-elle. Je hoche la tête. Elle reste un long moment devant le poster.
Au bout du couloir sur la porte, un miroir qui reflète le corps vieilli de Servane juste à côté du corps intact de Cloclo. Presque dans les bras l’un de l’autre. Servance presque Claudette. Presque paillette avec ses soixante dix ans. Le miroir c’est la seule source de lumière de cet appartement. Il fait parfois office de boule à facettes.

 

cour intérieure

IMG_1747.JPG   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Se pencher légèrement du quatrième étage.
Il est dix heures, tant mieux. Ils commençaient tous à trouver le temps long. Ils ressemblent à des petits pions de là haut, et c’est à peu près cela que l’on voudrait qu’ils soient. Ils ont des gueules fatiguées, bouffies, ou émaciées au contraire. Ils sont majoritairement habillés de jogging, remontés sur la cheville et rentrés dans des chaussettes de sport. On aurait voulu leur faire porter un uniforme, ils auraient tué père et mère, mais force est de constater qu’ils sont l'habit assez semblable.
Quelques grappes d’hommes laissent présager de petits deals minables, cigarettes, rasoirs, shit. D’autres sont assis sur un banc, les coudes appuyés sur les genoux, par deux. Le cou emmenant la tête toute entière vers le béton, les pieds jouant avec les graviers et les yeux se relevant parfois pour observer un but.

Car les autres, qui ont encore la force, qui reçoivent du courrier, ont de bonnes baskets, ceux qui ne sont pas là depuis des années, ne sont pas usés comme le ferraille, ces autres-là jouent au football, comme on s’arrache.
Ils courent tout ce qu’ils peuvent. Ne rient pas, n’hurlent pas aux points marqués, il sont sérieux. Ce sont des choses sérieuses. 
Enfin il y en a deux, au fond à droite, presque silencieux, musculaires et cheveux noirs. Ils observent ont la face triste, plus triste encore que celles des détenus, plus grises en fait. Ils sont las. Cette cour c’est aussi la leur. Les surveillants de promenade, se sentent à l’étroit, entre les grillages tricotés serré, de la cour intérieure.