07 juin 2011
la tête du chien
- Passe moi la ficelle, on va la faire glisser comme ça dans le petit trou de la planche et ça va tenir nickel au patins
- euh tu veux pas plutôt la mettre autour de la taille, c’est plus stable euh quand même…
- ouais autour de la taille, ok
Et le môme dévide la bobine de ficelle par dessus son Tshirt à l’endroit même où tombe un pantalon un peu grand au goût de sa mère.
Kreg et Jonathan sont installés dans l’allée où leurs familles respectives habitent un pavillon. Il fait beau. C’est mardi après midi, les cours du collège ont été suspendus. Ils sont perchés sur des patins à roulettes, leurs T shirt sont retroussés au niveau de leurs épaules. Ils ont quelques égratignures aux genoux, des bobos auraient-ils encore dit il y a quelques années. Ils viennent de mettre au point un système qui leur permet de tirer un skate-board en même temps qu’ils patinent. L’avenue est plane, tout devrait se passer dans les meilleures conditions. Soudain Kreg siffle. Un chien, assez court sur pattes, sort de derrières les buissons. Il est roux. Il a de bons yeux. Ils se jette dans les jambes de son petit maître qui l’embrasse à pleine bouche.
- Ok, on va le mettre sur le skate board. Slick (le chien donc ) tu montes sur le skate ? et le chien monte
- euh t’es sûr qu’il va aimer là ? il fait une drôle de tête quand même
- bien sûr qu’il va aimer, c’est formidable ce qu’on lui propose comme aventure, le chien il est là, il peut jamais aller plus vite que ses pattes, on va lui faire vivre un truc existentiel gars
- ah ouais carrément tu crois.
Les deux s’élancent sur l’avenue. Accélérant peu à peu l’allure. Faisant suivre la planche à roulettes. Faisant tanguer la planche à roulettes. Risquant de fiche en l’air la planche à roulettes. Riant, criant, comme c’en est interdit. Et le chien…
Cherchant à préserver un minimum d’équilibre, dont le regard inquiet, résigné, en dit long sur l’expérience existentielle en question…
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04 juin 2011
j'arrive
la rue, walkman miniature planté dans les oreilles, raï en boucle, boulevard magenta, boulevard sébastopol, je fronce les sourcils, j'éponge le front, la ville a ralenti sans prévenir, j'ai pas pu poster depuis belle lurette, le ryhtme dingo dingue de la cadence, mais je pense bientôt rattraper le retard, renardot.
avec des images, en sus.
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13 avril 2011
cest pas qu'on crie pas, qu'on souhaite pas
Tout ce mouvement autour de nous. Ce bruit qui nous arrive de plus ou moins loin. Tous ces chocs, entre le présent l’histoire et le futur. Toutes ces situations qui nous sont étrangères mais dont nous pouvons, devons même, tirer des réflexions à nos propres affaires. Tout ce tumulte du monde nous empêche de loucher sur notre nombril. Mais puisque nous serons bientôt amenés à voter, amener à exercer le précieux et dangereux job de citoyen, faîtes ce que cela remue nos méninges, que cela mette en mouvement nos corps, faîtes que les autres ne se rebellent pas pour rien. Faîtes que le printemps, nous fasse éternuer d’idées, c’est pas qu’on crie pas, qu’on souhaite pas.
18:50 | Lien permanent | Commentaires (3)
11 avril 2011
au matin du quinze, en vrai, à l'antenne. pour de bon.
www. myspace.com/arltmusic
09:08 | Lien permanent | Commentaires (1)
06 avril 2011
méga sieste
Mégapole.
Méga bruit.
Méga vitesse des choses.
Mega transport des méga personnes.
Méga budgets, méga building, méga millions.
Méga météo dans le ciel des mégapoles.
Nul autre horizon que les petits carrés de verre derrière lesquels une enfilade de bureaux se perdent.
Sur les trottoirs, les passants organisent leur marche comme on circule sur l’autoroute.
Autorisation de doubler sur la gauche, en gardant le nez sur ses chaussures. Arrêt toléré en double file pour rédiger un texto, ou passer un coup de téléphone. Coup d’œil furtif sur les vitrines qui dégoulinent. La ville à toute allure bat comme un cœur pressé.
L’avenue mène droit à la gare, que surplombe une horloge géante. Dans quelques instants il est quatorze heures. L’aiguille des secondes trotte sur le cadran.
La marche des passants ralentit notablement, les voitures débrayent aux vitesses inférieures. OUh, tranquille…. tout s’étiiiiiire jusqu’à l’arrêt complet.
Lorsque l’aiguille arrive sur le douze, tout s’est arrêté. Les passants étalent un sweat shirt, une écharpe, un coussin sur le trottoir. On se fait une place sur les bancs, on s’affesse sur les chaises en terrasse et on bascule le fauteuil de la voiture en arrière.
Quatorze heures, c’est absolument non négociable, quatorze heures, c’est bien connu, c’est l’heure de la sieste, pardis !
18:32 | Lien permanent | Commentaires (1)
05 avril 2011
wonderwall
Un peu comme dans les contes, il a une salopette en velours marron sur une chemise vert bouteille. Il n’a jamais compris pourquoi on s’entêtait à habiller les géants de cette façon là. Ni pourquoi on tenait toujours à ce qu’ils aient une petite bedaine et un côté bucheron.
Lui, il n’a pas grandi dans la nature. Il n’a rien des géants sympa et benêt. Il est un peu crevé. Il ne fait pas de bruit monstre lorsqu’il se déplace en ville. Il ne fait pas trembler le bitume. Il est géant mais il n’est pas lourdot.
Ce soir il est mélancolique. Il se penche sur la petite ville, sur les petites rues, les toutes petites façades d’immeubles, les feux rouges confettis. Et les bonshommes légos. Ca lui fait couler des larmes grosses comme des pierres. C’est seul un géant. C’est pas facile facile.
Il aimerait que les visages soient de larges surfaces que tout s’étende davantage pour pouvoir caresser vraiment. Il aimerait que les trottoirs lui laisse la place de mettre un pied devant l’autre. Pour de vrai. Et trois pieds même. Et de l’espace autour pour balancer les bras en marchant.
Il aimerait que les bols d’air ne soient pas de ringards gobelet. Qu’il y en ait pour lui et pour Boucle d’or si elle passe dans le coin. Il n’a pas envie de conquérir, il voudrait simplement s’étaler un peu. Ça fatigue d’être entouré de riquiqui. Voyez-le courbé, le dos géant, et l’âme aussi fragile que le vent.
Cargo gracile, l’a pas l’air bien du tout. Qui peut dire qu’on pense aux géants ? On pense pas aux géants, ces grands murs de merveille
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on fait un pas de côté ?
Un train régional va moins vite que les autres trains. Il est moins rempli généralement. Il est plus décontracté s’il l’on peut dire. Il amène d’une ville à une autre ville sans chichi.
Un train à grande vitesse peut se transformer en train régional, sans changer de rails, simplement parce que la compagnie ferroviaire en a décidé ainsi. Aussi vous pouvez ralentir jusqu’à une petite vitesse de croisière qui vous fait regarder dehors sans le tourni.
Deux jeunes femmes sont assises dans un carré de fauteuils relookées de rose et de fushia. Elles ont posé un ordinateur portable sur la tablette, écran dans lesquelles se reflètent leurs mines de fêtardes fatiguées. Leurs chaussures traînent dans le couloir de moquette et leurs pieds nus tranquillement posés sur les sièges en face. Décontract on a dit.
Le film qu’elles regardent d’un œil, est un noir et blanc granuleux, témoin d’un époque, ou rêver était de mise. Ou le pas de côté était la chorégraphie collective, où il n’était pas si loufoque, de songer même en fiction à un abandon utopique, consensuel et festif de l’économie de marché et du productivisme.
Les quelques formules sont un peu passées d’âge mais qui elles continuent de les laisser songeuses et souriantes. C’est ainsi qu’elles sont, les pieds en éventail dans le carré, comme on dit, du TGV devenu TER.
La voix du contrôleur indique que le train va bientôt entrer en gare, un type se lève, la soixantaine rayonnante. S’arrête devant l’écran, ébahi.
- C’est l’an 01 ? il dit
- Bah ouais, elles répondent
- Mais où est-ce que vous avez trouvé ça ?
- Sur le net, elles répondents
- Ah oui, il dit
Et le type de ne plus pouvoir parler. Ce film, il l’a vu il y a bien trente cinq ans. Plus jamais après. La distance entre maintenant et hier se trouve abolie comme si le TER, était redevenu TGV en une milliseconde. N’en déplaise à la compagnie ferrovière….
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Voyez comme les traits se détendent sous la pommade des petites fiertés.
Mercredi soir vingt minutes avant huit heures. Quelques couples font la queue devant la billetterie. Elle, très fine, et sans habit de lumière, est assise sur l’un des fauteuils disposés dans le hall. Elle a empilé sur la table basse juste devant, les prospectus, programmes, dépliants et autre flyers colorés qu’on lui a distribué à l’entrée. Elle les contemple. En attrape un, le repose, en attrape un autre, en fait une lecture muette mais expressive. Elle se lance dans un dialogue avec elle-même, un dialogue haut en couleurs et en arguments, qu’elle s’auto échange par dessus l’épaule gauche. On dit avec elle même, mais rien n’assure qu’un lutin transparent ne loge pas perchée sur sa clavicule. Toujours est-il qu’elle penche la tête, acquiesce franchement, sourie et ronchonne, mime toutes les grimaces d’une bonne conversation.
Lorsque la sonnerie du théâtre retentit, elle ne bouge pas d’un cil. Les tours de papiers empilés sont autant de remparts opaques et solides, qui ne laissent rien filtrer du monde de dehors.
Bientôt le hall du théâtre est vide. Elle continue sa conversation muette et étrange. Tandis que la guichetière recompte patiemment les talons de billets, et les billets tout court, elle classe et reclasse ses petits papiers, ne cessant de converser avec son double invisible et portant haut dans l’œil une pépite dorée.
Voyez comme les traits se détendent sous la pommade des petites fiertés.
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02 avril 2011
bye bye les héros que j'aimais
Le film touche à sa fin. La lumière de l’écran vient sur les visages faisant d’eux des dessins. L’un des spectateurs, regarde à sa gauche. Il est inconstant. Il regarde une femme, belle comme à l’image. Il voudrait juste sur le générique, il voudrait juste sur la nuque y mettre un baiser au passage. Comme gravé au piment doux sur la pellicule, capable de disparaître une fois les néons revenus. Il voudrait que la dernière séance s’achève en fait comme ça, sur la nuque, les lèvres déposées.
Abel reagarde la scène de loin, pas sur l’écran dans la salle. Strapontin déplié, mal au genoux, un peu mal au cœur, c’est ce cinéma là qui lui manquera, l’espèce de vie volée à la vie de dehors, la vie volée des salles obscures, ça ne se rembourse pas.
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30 mars 2011
opéra punk
Capitale. Place de la bastille. Motos, voitures vélos, autobus, vont, un peu comme bon leur semblent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Juste au dessus de la station des taxis, le point de rendez-vous par excellence, donc d’attente, l’Opéra. De nombreuses marches grises anthracite montent comme un col froissé d’une petite place aussi grise sur laquelle furent implantée deux terrasses de café fréquentées l’été, à moins qu’elles ne préexistaient. Certainement d’ailleurs. Sur ces marches, principalement des gars. Principalement en dessous de trente ans ou autour, principalement une bière à la main… Allez savoir pourquoi ces marches plutôt que d’autres réunissent plutôt que d’autres ce que Paris compte encore de punks à chiens. Aussi sec sur muscle, que grunge, que jean déchiré, qu’il s’agit de l’être lorsque l’on veut bien faire les choses. Ils sont là, couverture de laine motif écossais, cheveux plus long que la moyenne et berger bâtard au bout d’une corde offrant tendresse à qui veut bien recevoir. Un bar rock à ciel ouvert, dans cette ville qui gomme à peu près tout ce qui dépasse, ce qui s’allonge sur les bancs, ceux qui ne prennent pas les couloirs de métro dans le même sens voire attendent sur les quais.
Ce jour là, deux types ont étalé un drap sur le bitume. Dessus sont disposées plusieurs objets en fil de fer. Une fleur, une deux chevaux, un saxophone, re-une fleur. Derrière le drap et assis sur les marches, une brochette de trois jeunes hommes, deux frères, et un autre. Ils m’interpellent, on discute. Ce qui m’exaspère tu vois c’est quand les gars te disent, je vais chercher de la monnaie, je reviens, et qu’ils reviennent jamais évidemment. Ça me rend dingue. Il me dit cela en tanguant sur ses deux pieds. Ses yeux un peu jaunis ressortent de sa peau noire. Il y a quelque chose en lui, prêt à déborder. La goutte sur le vase, vous savez. Ce ne serait pas de l’eau en l’occurrence. Mais de la détresse au goût malté.
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29 mars 2011
kamel daoud
c'est une idée.
avec aussi marc augé. latifa laabissi. mike ladd. jean paul roussillon est mort, j'arrive toujours après les autres. dominique fourcade sur les platanes. michel butel, impossible. peter galison.
je tombe sur un autocollant impossible à dissocier. c'est bien ma veine. elle est crevée. magnétique et crevée.
18:01 | Lien permanent | Commentaires (0)
sorry
j'ai fait une certaine rétention des textes des Polaroids que je lis chaque matin. je vais faire une livraison très bientôt d'un seul coup, séance de rattrapage. je sais pas faire autrement. ça signe l'exacte rythme de ma disponibilité numérique. c'est assez signifiant au final.
qui avait dit que je parlerais pas pour de vrai. moi. et alors. qu'est-ce qu'on fait maintenant.on change rien.
17:47 | Lien permanent | Commentaires (2)
oh
si on poste une lettre par semaine,
qui la lit ?
mais sérieusement
17:44 | Lien permanent | Commentaires (10)
26 mars 2011
qui connaissent la musique
qui sont courageux par intermittence lorsqu'ils ont le temps lorsqu'ils n'ont exceptionnellement rien d'autre à faire,
qui vous rappeleront pour vous expliquer,
qui n'expliqueront jamais car ça prend du temps et qu'il n'y a rien à comprendre, qui n'ont pas peur de tout réduire, de tout faire en petit, pas pas courage,
qui préfèrent le théâtre qui préfèrent la jouer dramatique, tragique si possible avec les dialogues, qui ne souhaitent pas économiser en secret des charges légères d'émotion pour le coeur et l'intérieur du crâne
qui préfèrent quand c'est voyant quand c'est bruyant,
qui ne se soucient pas ou peu ou plus tard de la brutalité du geste et du non geste,
qui ne vont pas au bout du bout du geste,
l'objet, pourtant, de la grâce qu'on leur attribua d'abord.
17:36 | Lien permanent | Commentaires (6)
10 mars 2011
à point.
Le dérèglement c’est le corps.
Ce qui boite, ce qui fait mal, tient mal, l’épuisement du souffle et le miracle de l’équilibre.
Pas plus que l’homme la musique ne tient debout.
Les corps ne sont pas encore bien réglés par la loi de la marchandise.
Ca ne marche pas. Ca souffre. Ca s’sue. Ca se trompe. Ca échappe.
Trop chaud, trop froid, trop près, trop loin, trop vite, trop lent.
Et malgré tout, ça veut tenir, ca s’acharne encore, encore un peu, encore un peu plus.
Et encore un matin, je rajouterai.
P.Carles, et JL Comolli, Free Jazz, Black Power. Folio, 2000.
05:46 | Lien permanent | Commentaires (5)
08 mars 2011
noire sur les bords
Une péniche noire de charbon,
noire sur les bords
noire encore
fend l’ea u très sombre de la Seine.
Rien ne s’annonce du jour qui vient. Rien qui ferait penser que la lumière tout à l’heure viendr a claquer sur le fleuve. Rien comme du silence visuel. Comme la courbe atone d’un cœur de ville éteint.
Seul ce bateau qui avance sans bruit, faisant plier l’eau sous son poids mais paraissant ne la toucher qu’à peine.
Il est lent et long. Le charbon qu’il transporte forme une petite montagne sur son dos qui se distingue à peine dans la nuit où tout le monde surnage.
Pas un homme à bord. Un homme à bord bin sûr, mais un homme invisible lui aussi, dont on ne pourrait au mieux qu’apercevoir le brasier d’une cigarette, mais qui à cette heure ne s’est pas remis à fumer. Un marin d’eau douce, il en reste.
La péniche baisse la nuque en passant sous les ponts pour que rien ne racle. Pas question de toucher au silence brumeux. Note épaisse et monocorde, de laquelle émerge des cornes de brume imaginées pour l’occasion,
sur une mer que l’on voudrait plus grande encore, noire comme du pétrole inoffensif,
profond comme une cicatrice de Simon Hantai.
Sur les bords, la pierre refroidie par la nuit, les mouettes dorment encore. On cherche des yeux, celle que l’on connaît, la favorite, la rieuse, celle qui a la plus désobéit, et quand on la dépasse, silencieuse et discrète,
des yeux, on la bénit.
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05 mars 2011
cloclo is not dead anyway
Servane habite depuis vingt sept ans rue du clos près du périphérique, ça ne s’invente pas.
En 2003, lorsque ses enfants sont partis, elle a échangé son appartement avec la famille de Solène. Son quatre pièces contre un grand studio sans le dire aux HLM, qu’ils fassent pas chier. Servane a aménagé son balcon avec de petites plantes, des nains en terre cuite, et une lampe qui fonctionne avec la lumière du soleil le soir.
Servane aura soixante dix ans à la fin de la semaine. Ses murs sont recouverts d’une fine moquette rose foncée. Et par dessus la fine moquette une série de cadres avec les petits. Sofia, Nell, Kacem. Les petits des petits.
Regarde pas le ménage répète Servane comme si elle était rayée. Regarde pas les recoins, je savais pas que tu allais venir.
Servane savait. C’est la raison pour laquelle tout est aussi propre.
Elle me dépasse dans le couloir. Tu viens ? Je viens. Les murs toujours recouverts de moquette, et juste avant la chambre, dans un format longiligne, couleurs criardes et passées, ne Me demandez pas comment, arraché d’un magazine résistant des années 60, un portrait en pied de Cloclo himself / est accroché à hauteur d’homme. La mort de Claude François, Servane n’y croit pas, n’y a jamais cru, ça fait partie du lot des choses qu’ils inventent, me dit-elle. Je hoche la tête. Elle reste un long moment devant le poster.
Au bout du couloir sur la porte, un miroir qui reflète le corps vieilli de Servane juste à côté du corps intact de Cloclo. Presque dans les bras l’un de l’autre. Servance presque Claudette. Presque paillette avec ses soixante dix ans. Le miroir c’est la seule source de lumière de cet appartement. Il fait parfois office de boule à facettes.
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cour intérieure
Se pencher légèrement du quatrième étage.
Il est dix heures, tant mieux. Ils commençaient tous à trouver le temps long. Ils ressemblent à des petits pions de là haut, et c’est à peu près cela que l’on voudrait qu’ils soient. Ils ont des gueules fatiguées, bouffies, ou émaciées au contraire. Ils sont majoritairement habillés de jogging, remontés sur la cheville et rentrés dans des chaussettes de sport. On aurait voulu leur faire porter un uniforme, ils auraient tué père et mère, mais force est de constater qu’ils sont l'habit assez semblable.
Quelques grappes d’hommes laissent présager de petits deals minables, cigarettes, rasoirs, shit. D’autres sont assis sur un banc, les coudes appuyés sur les genoux, par deux. Le cou emmenant la tête toute entière vers le béton, les pieds jouant avec les graviers et les yeux se relevant parfois pour observer un but.
Car les autres, qui ont encore la force, qui reçoivent du courrier, ont de bonnes baskets, ceux qui ne sont pas là depuis des années, ne sont pas usés comme le ferraille, ces autres-là jouent au football, comme on s’arrache.
Ils courent tout ce qu’ils peuvent. Ne rient pas, n’hurlent pas aux points marqués, il sont sérieux. Ce sont des choses sérieuses.
Enfin il y en a deux, au fond à droite, presque silencieux, musculaires et cheveux noirs. Ils observent ont la face triste, plus triste encore que celles des détenus, plus grises en fait. Ils sont las. Cette cour c’est aussi la leur. Les surveillants de promenade, se sentent à l’étroit, entre les grillages tricotés serré, de la cour intérieure.
13:44 | Lien permanent | Commentaires (0)
22 février 2011
A LA REGLE, L'EXCEPTION / ARTICLE 1
Nous ne supportons plus la durée. Nous ne savons plus féconder l’ennui.
Je rentre de Rennes, je trouve ce petit texte de Paul Valery sur l’Etat de l’intelligence, qui oserait ? [1]
C’est supporter la durée qui m’interpelle, plus que tout ce qui est dit avant sur les excitations devenues des besoins, sans cesse renouvelées, augmentées. Plus que ce qui est dit sur le désordre, la surprise, la permanente turbulence. Ce qui est dit après, sur le diplôme l’enseignement, le savoir. Il a raison. Il avait raison- il écrit en 1936- mais j’ai intégré cela, ne me sens pas d’en discuter de suite.
Je rentre de Rennes, donc, je trouve ce petit texte, je le lis. J’avais vu la veille The Show must go on de Jérôme Bel[2].
Pour faire rapide, car je pourrais faire long,
((je me suis surprise à raconter la pièce avec les gestes, en chantant les chansons à Jacques samedi soir, dans le brouhaha, pendant au moins un quart d’heure. Jacques a bien aimé cependant. ))
Pour faire rapide donc : vingt danseurs sur scène, amateurs, rennais, en tenue de ville, voire de maison. Dansant littéralement sur la musique. Faisant (et non interprétant) ce que disent les paroles, comme ça, au pied de la lettre. Ils n’ont pas l’air d’en savoir plus que nous, le quatrième mur semblant être tombé pour l’occasion. Hum.
Un disc jockey, met et enlève des disques d’une chaine hifi, avec le son du chargeur qui est emblématique de toute mon adolescence. Ainsi que le son du doigt qui cherche la bonne piste (touche skip). C’est indescriptible mais ceux qui savent, savent.
Le disc jockey est toujours visible. Il est dans l’orchestre, il est avec nous. Nous connaissons toutes les chansons qu’il passe ( Beatles, Air, Titanic, Macarena, j’en passe ) Vient une irrépressible envie de taper du pied, des mains, de chanter, envie qui n’est progressivement plus réprimée du tout, si bien que l’Opéra rennais tout entier, sous la voute peinte, reprend Simon and Garfunkel comme s’il partageait un même canapé.
Quelques codes sont fusillés (ou soulignés) au passage. Le public applaudit lorsque la chanson est terminée, pendant que le disc jockey change de disque, ouvre-ferme les boîtiers. C’est important que l’on entende cela. C’est la boum. Ça veut faire croire que c’est la boum. Mais c’est aussi la boum.
Sur scène, une fois que l’on a compris de quoi il s’agit, rien ne se passe de profondément intéressant sur la durée. C’est à dire, la Macarena, on la connaît, et une fois que l’on a vu les danseurs bouger la même partie de leur corps durant une minute, on les a vu pendant trois. Ce n’est pas aussi simple mais presque. On pourrait se lasser.
Ce qui est intéressant justement, c’est la résistance à l’ennui. La façon dont on accepte de se prêter à ce jeu, en l’accentuant par les applaudissements, par le fait de se mettre à chanter. On le fait parce qu’on connaît la chanson. On sait qu’elle se termine dans trois minutes trente deux. On a compris que le disc jockey en mettra une autre, et que les danseurs se lanceront dans un nouveau geste simple. Et en cela on ne sera jamais trahi. C’est exactement comme cela que la pièce va se dérouler jusqu’au bout. Il n’y a aura pas d’entourloupe. La proposition est franche. Malgré le fait que des amateurs dansent. Malgré le fait que l ‘on puisse les considérer comme disgracieux, ou ne répondant pas à l’idée que l’on se fait du corps dansant (quand bien même cette idée soit très largement révolue, ne pas présenter des corps « dansants », habituellement « dansants », déclenche toujours un sourire surtout dans le cas d’un public novice). Malgré tout cela il n’y a pas de cynisme, peu ou pas d’ironie, pas de malice.
Il est donné à constater qu’un moment a eu lieu. Ce qui me semble être le propre de la rencontre entre une œuvre d’art et un public. Entre les deux endroits, existe un espace commun où l’un et l’autre avancent, se déploient, s’expriment, indépendamment ou en liaison, c’est selon, mais c’est un espace temps qui est créé et qui permettra d’ailleurs l’ancrage de l’œuvre dans le souvenir, ou plus pompeusement dans l’histoire. C’est ce qui m’a permis de raconter à Jacques, et au-delà me permet d’y penser encore.
Ce qui advint vendredi soir à l’Opéra de Rennes relève de cela. De la définition du moment. Qui est plus un goût qu’un contour théorique, et que l’on pourra convoquer dans sa tête.
Il s’est passé aussi, que rien n’est resté immobile entre le début et la fin de cette représentation. Rien. Y compris l’air y compris la transpiration y compris les cordes vocales et plus précisément,
on a senti se frotter, les uns contre les autres, des rouages de représentations que l’on croyait parfaitement connaître – Bel nous place à la fois dans l’omniscience, mais dans l’illusion parfaite de cette omniscience,
et venir nous déranger à l’intérieur même de cette illusion de confort est encore plus talentueux.
Il chorégraphie en déplaçant des choses beaucoup moins légères qu’elles n’y paraissent. Et, semblant nous caresser dans le sens, poli et brillant, du poil collectif, il ne nous malmène pas, pas du tout (cela ne semble pas être sa posture) en revanche, cette caresse nous touche, beaucoup plus profondément que ce à quoi l’on s’attendait en se laissant caresser d’abord.
The show must go on, c’est aussi l’interdépendance mise à nu entre les interprètes et le public. Si vous ne dansez pas tout s’arrête. Et vous là bas, si vous ne regardez pas, si vous ne manifestez aucune réaction, tout s’arrête aussi. En l’occurrence c’est impossible. Personne ne veut, personne ne pourrait supporter que le spectacle s’arrête et ce sentiment va grandissant à mesure qu’une forme de complicité décente se créée entre les deux parties.
Cette dépendance c’est aussi celle que nous entretenons plus globalement avec le show. Que le public entend recrée en applaudissant et faisant le cirque. Le show et la pop, référence musicale ultra partagée, insatiable et naturel besoin de collectif, réelle ou apparente légèreté.
Et s’il y a quelque chose de très fort, c’est que sans mauvaise intention, Jérôme Bel laisse la place à la fécondation de l’ennui par le collectif. Il laisse les six cent quarante deux personnes de l’Opéra s’emparer de cela et en jouir. Sans leur retourner un méchant miroir sur le nez, en disant Regarde comme tu es pauvre, Regarde comme ta réaction est attendue et puérile, Regarde comme tu es si peu arty et contemporain.
Il n’est pas sans distance, c’est évident, mais il n’est pas sans dire non plus
que c’est beau.
08:25 Publié dans A la règle, l'exception _ articles | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jerome bel, the show must go on, musee de la danse, marie richeux
07 février 2011
éternue bordel
la liberté,
je reprends ça à mon compte, comme ça, gratos,
la liberté je la dois, allez marie, allez
je la dois à
allez marie nom de Dieu,
je la dois au caractère irréductible de
tu vois j'ai pas été jusqu'au bout.
18:42 | Lien permanent | Commentaires (3)