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27 avril 2012

deux fois

jacques dort sur mon épaule depuis une seconde, j’ai les muscles et les os qui crient déjà que cela ne pourra pas durer, et je sais, je sais que Jacques dort tous les kilomètres qui séparents nos arrêts. jacques a du sommeil en surcis, sorte de crédit qu’il a pris sur son dos. pas dormir pendant des mois et profiter de rouler, rouler encore, pour enfouir son sommeil dans mes épaules. je sais tout ça, je commence par ne pas bouger, je continuerai par ne pas bouger, je finirai par ne pas bouger et l’on verra se dessiner la prochaine station essence à l’horizon. jacques ouvrira les yeux quelques mètres avant que l’on ne s’arrête. il me sourira. verifiera grossièrement que je suis vivante. roulera quasi inconscient une cigarette de tabac, la glissera derrière son oreille, et sortira de la caisse le premier comme s’il manquait d'air plus que nous tous.

26 avril 2012

une fois

La petite était mauvaise, pas très disposée au mariage précoce. Pas hyper pour le sexe payant. Elle en faisait baver aux nourrisses, aux cuisiniers, aux gardes champêtres. C’était une sale petite gamine qui plaquait ses cheveux en arrière à l’aide d’une pâte étrange sa mère refusant fermement de les lui faire couper.
A l’âge de douze ans n’ayant accepté aucune forme de compromission, aucun trottoir, aucun soupe, aucun discours fabuleux, on la fit enfermer dans le Donjon, rue des archives. Parfaitement aux normes, donjon en pierres, quelques barreaux aux fenêtres, pas de chauffage électrique, quelques buches de bois apportées au compte goutte. Elle durcirait comme ça. Elle se ferait des croutes. S’il en fallait des comme ça, des heures comme ça pour lui mettre du plomb dans la tête, t’inquiète, qu’on ne l’oublierait pas.

24 mars 2012

nicht vergessen

L'impossible vous attend.http://www.limpossible.fr/001/index.php


impossible.JPG

a force de l'entendre

La première fois que je l’ai vu je crois, j’ai dit, tiens cet homme est grand. Il est plus grand, que grand comme ça, en passant. Il est particulièrement grand je me suis dit. La capuche bleu marine, qu’il a relevé sur sa tête, coupe son front en deux, un bout couvert et l’autre au vent, même son front, c’est dingue l’espace qu’on y trouverait…. Je me suis dit cet homme est plus grand que les hommes grands en général et j’ai bien aimé.

Il regardait la mer à ses pieds, comme les autres  et le ciel au dessus de lui comme les autres  Puis il revenait à ses pieds, comme souvent les autres, et relevait la tête, comme les autres, tout  autant
Sauf que de son poignet partait un fil, et que le fil si on le suivait vraiment, menait à un carré de toile souple et coloré. Que la toile prenait le vent selon des dessins que j’aurais peine à refaire. Ca lui faisait comme un chapeau mouvant, vivant au gré des courants d’air…

La deuxième fois que je l’ai vu, il avait enlevé la capuche, et son front tout entier baignait dans la lumière. Le gars criait, si au moins ils savaient. Le gars criait, si au moins ils savaient que je suis vivant, et que chaque jour je danse au bout des cerfs volants. Le gars criait au delà de nous. Bien au delà.

tout trop rare

POURQUOI ON LE FERAIT PAS PLUS SOUVENT
ET POURQUOI PAS DEUX FOIS PAR JOUR
POURQUOI ON LE FERAIT PAS DIX FOIS PAR JOUR

HEIN ?

personne ne bouge

IMG_2154.JPG le mois d’août écrase des petits morceaux de
soleil sur leurs épaules osseuses
ce qui est négocié avec les mecs du basket, c’est
le soir : 18h 22 h, basket
uniquement.
l’après midi 14h 18h, tennis contre le mur
uniquement.
Pour le reste,
le terrain appartient à ceux qui arrivent tôt.

zolie zombie // inspiration Weli noel

Il est allongé sur le canapé. Le cendrier trahit ses dernières heures de rien. Que des cigarettes mal commencées, mal écrasées. Il a dormi. Ces toutes petites rides, nouvelles, sur sa joue jeune, c’est le canapé qui les a faite au tractopelle. Il a dormi puis s’est fait réveiller par d’autre machines. Il s’est passé de longues minutes entre son réveil et ses premiers mouvements… Des minutes où il s’est contenté de regarder comment le bois, depuis des années, coupe en quatre les carreaux de sa vitre, et pour prévenir l’ennui, il a fait semblant de les recompter.
C’est l’ordinateur qui l’a réveillé vraiment. Le bip d’une fenêtre. De celle qui s’invitent, sans demander rien, sans vérifier que vous êtes disponible. Le bruit d’une fenêtre pop, elle s’ouvre et pop, une image. Et pop c’est une meuf. Viens là, c’est marqué en gros, il se lève. Viens là dis la fenêtre, la fille elle ne peut pas bouger, elle est, image fixe sur l’écran, zolie fille, pas bien maquillée, mais relativement à l’aise, sans grand chose dessus. Tanga, juste quelques fils qui l’ahbillent.  Elle dit, c’est marqué, elle dit, viens là comme si c’était possible. Ce serait si facile. En un coup de clic, venir près, comme ça, de son corps comme il faut.
Elle est zolie, mais elle manque un peu de cœur qui bat derrière la peau, tu vois. Il se met quand même devant l’écran. Il prend la guitare qui est là, qui pourrait être ailleurs, il rallume l’une des cigarettes, que l’on ne croyait plus apte à aucune fumée, mais ses poumons la raniment. Le rythme qu’il joue, c’est celui sur lequel elle fait semblant de danser mais elle n’entend pas, cette fausse belle au bois, tu parles, il joue, tu parles, et elle fait semblant de danser. Elle est zolie faut dire….

ça caille quand même

Cet escalator existe depuis que l’esplanade existe. Lorsqu’on est sur les marches mécaniques, et qu’on monte ;  les tours, et les fenêtres dans les tours, et la lumière dans les fenêtres des tours, apparaissent étage par étage, se découvrant, se laissant voir, sauf les jours de brouillard. Et on y est. Précisément, dans le brouillard. Jasmine est assise sur le seul banc qui ne soit pas pris par le gel. Elle agite ses jambes moins pour les réchauffer que pour calmer ses nerfs. Aldine apparaît derrière le restaurant thaïlandais. Les mains dans les poches. Moins pour les réchauffer que pour leur trouver une place. Aldine approche. Il la salue. Il s’assoit. Ils se connaissent, ça va, pas la peine de…
Comme deux vieilles à l’arrêt de bus, ils se mettent à parler du temps. Ca caille quand même. Moi dimanche, j’ai pas mis un mollet dehors. Ça caille non ? Jasmine fait oui de la tête. Elle s’en fout. Lui aussi. Mais elle renchérit.
D’après toi, à partir de quel moment on peut dire que c’est vraiment l’hiver, tu vois, genre, une fois qu’on a passé le 21 décembre, qui décide que oui vraiment c’est l’hiver ? Et les lèvres souriantes et gercées de Jasmine trahissent, la falsification de la question. Son inutilité de surcroit. Elle est jolie.
Aldine regarde ailleurs, comme ils ont bien appris à le faire, puis revient à elle. Je sais pas, je dirai que ça dépend de la fumée. Si tu commences à faire de la fumée quand tu parles, quand tu respires, pas à 6 heures du matin, mais genre là, à 13 heures, ça veut dire c’est l’hiver. Tu vois là, avec la fumée, nos deux fumées. Ca veut dire c’est l’hiver. Et Aldine embrasse Jasmine. A moins que l’inverse soit tout aussi vrai. La fumée disparaît. Leurs deux fumées disparaissent. L’hiver aussi.

un jour comme aujourd'hui

IMG_0002.jpgC’est un jour comme aujourd’hui. L’hiver, pente douce, soleil en léger biais. Femerture éclair descendue sur les hanches. Au croisement des deux chemins, prendre le croisement. Le croisement, l’intersection des deux lignes et attendre. Ce qui était un mur pour tout le monde, devient une porte. Vous la passez. Elle ne grince que dans vos seules oreilles, et si un gardien est apparu dans la guitoune ce n’est rien qui soit plus réel que le reste. Vous vous engagez dans l’allée. Les premiers sont encore à l’heure de décembre et leur branche sont un entrelacs de gris et de brun sur les murs qui les rejoignent en couleur. Les arbres suivant tendent  à l’avril ou au mai, et ont des feuilles qui viennent comme on a le rose aux joues.
Les noms sont gravés sur les plaques, d’autres à même la pierre. Les noms sont posés sur la pierre, tu vois comme les noms sont là, au repos. Tu les lis. Eugene. Andrée. James. Ondeline. Paul. Jean Marie. Myrtille. Tu relis myrtille, tu essaies de faire venir le goût du fruit entre tes deux mâchoires, les molaires du fond.
Tu avances. Je te tutoies. On regarde par en haut ce qui vient au dessus de nous, ce n’est rien d’autre qu’un nuage. Tu dis qu’il faudrait un champ entier de fleurs différentes. Différentes en hauteur, très différentes en son. Il nous faudrait un champ entier de fleurs différentes en sonorité pour mettre sur toutes les tombes. Tu continues de dire, Monsieur Chemier, A mon mari, pour toujours. A notre père tant aimé. A ma sœur. Aux dieux reconnaissants. Ce pluriel aux divinités te plaît et te rend paysan.
Tu dis tous ces morts qui n’existent plus pour personne, il faudrait les faire nôtres, sans les brusquer, ce sont les nôtres de toutes façons. Les allées du cimetière deviennent jaunes de lumière. Il faudrait les faire notre et venir ici les fleurir souvent.

ce que tu pleures je l'ai pleuré

Il est assis et tient sa tête dans ses mains. Disons que sa tête pèse sur ses poignets qui pèsent sur ses coudes qui pèsent sur la table. Mais la table est solide.
Sa mère lui a servi un chocolat chaud, avec trop de lait et trop de chocolat comme lorsqu’il était enfant. Et il ne l’est plus. Et il pleure. Très doucement. En regardant comme les tours paraissent pareilles dans l’encadrement de la fenêtre. Ce n’est pas à cause des tours. On pourrait croire mais ce serait facile. Ce ne sont ni les tours, ni le parking qui le font pleurer ce matin.
Sa mère se lève et entreprend une rapide vaisselle, sort puis rejoint la cuisine, plie des torchons, nettoie le four. Elle est le papillon, il est la vielle ampoule.
Des larmes coulent sur ses joues, et dans son sweat à capuche. La mère dit qu’elle ne les voit pas. Tout dans son agitation dit, comme marqué sur un carton de cinéma, je ne les vois pas tes larmes, vas-y mon grand. Et elle tourne autour, nourrissant l’illusion. Et elle finira par s’asseoir tout à l’heure, sur l’autre chaise qui fait face à la fenêtre. Lui n’aura pas bougé et pas bu une lampée de son chocolat chaud et il fera jour comme jamais. Et le soleil les bénira tous les deux. Elle finira par s’asseoir. Elle respirera calmement. Elle sentira sur elle, les trente trois ans qui la sépare de cet enfant devenue jeune homme. Ce qu’il pleure aujourd’hui elle l’a pleuré, il y a longtemps et le lui dire ne consolerait rien. Elle reste assise. Silencieuse, elle efface son carton de cinéma. Elle voit les larmes de son fils. Ce sont des larmes qu’il faut faire couler. C’est tout ce qu’elle sait, alors elle attend.

bird bird bird

photo cedric dupireC’est sans rendez-vous. C’est sans compter sur l’heure. C’est ou bien vous attendez, ou bien vous passer votre route. Il s’agit de s’asseoir, engourdi de froid et prêt à l’être davantage. Il s’agit de compter sur ces doigts douloureusement d’abord et puis dans une toute petite fièvre, les quelques minutes qui passent. Et puis les heures. Il faut sans trop se tordre le cou, lever les yeux au ciel. Ne pas céder à la facilité qui consisterait à le faire, trop souvent, trop mal. Il faut quand ça vous prend, presque faudrait-il avoir un peu oublié l’envie de le faire, il faut lever les yeux à ce moment précis. Et se laisser saisir par la chance. Certains jours à certaines heures. Ils viennent par milliers. Ils viennent par milliers, exagérer le nombre ne vous fera aucun mal alors, ils viennent par milliers, grignoter le raisin de la vigne qui s’offre comme une femme. Ils se jettent dessus, ne se la partagent, pas mais non plus ne se la disputent, c’est une chose qui se passe entre ces becs d’oiseaux et le rasin que l’on serait idiot de vouloir expliquer. Vous êtes là, assis, le mot froid ne vous dit plus rien, il est venu juste en dessous de vos plus fine chemises. Vous regardez ces petites masses frivoles et noires dévorer ce qu’ils peuvent comme si la plus grande des guerres leur pendait au cou, ou comme si, au contraire, il était urgent de vivre, le plus délicieux, le plus vite possible et déguerpir vers nulle part.
Alors vous n’êtes pas déçu d’attendre car de les fixer ainsi vous ne manquerez rien de leur départ. C’est un fragment du ciel qu’ils emportent avec eux, comme le scotch défigure le papier dont on l’arrche. Ils sont tous petits noirs dans ce ciel vraiment blanc. Vous jubilez. Il est un mot un anglais qui surpasse le mot, le votre, car il contient, vous pensez, tout le battement d’une aile.
C’est bird, bird, bird.

31 janvier 2012

penche

IMG_2210.JPG

.

JE
CONCOIS
QUE CELA
SOIT
INDIGESTE
ET M'EN
REJOUIS
FINALEMENT

pas d'amour aujourd'hui

Une table en formica. Une fenêtre mal fermée. Un appartement au rez de chaussée. Une fenêtre mal fermée donnant sur la rue. Une table en formica dans une cuisine. Un appartement dépeuplé. Une table en formica que l’on voit par la fenêtre. Une fenêtre donnant sur la rue.

Schön est debout devant la gazinière et regarde l’eau bouillir. La chute de son pantalon est arrêtée par le léger rebond de ses fesses. Il est torse nu il a dormi comme ça. L’oreiller, les draps, le duvet de Filip ont marqué ses joues. Ses yeux sont encore gonflés d’herbe et d’alcools et ses sourcils tombent assez bas. Il regarde l’eau bouillir. Après quelques minutes il attrape un paquet de filtres sur l’étagère, et dépose du café, place le tout au dessus d’un bol. Baille et allume une première cigarette, l’éteint la minute d’après et fait passer l’eau. Le café fume dans la tasse.

Une table en formica. Une fenêtre mal fermée, un trottoir donnant sur la fenêtre. Une bouteille de lait, sur la table. Shön boit son café noir. Filip est parti. Un appartement au rez de chaussée, une rue donnant sur la table, une bouteille de lait dansant sur le trottoir. Schön boit les première sgorgées de café chaud, c’est retour de la vie dans quelques uns de ces membres fourbis de sommeil.

Une bouteille de lait sur la table, une bouteille de lait sur la table, une bouteille de lait sur la table. But no milk today

ni comprendre ni déborder

IMG_2190.JPGLe vent est monté ce matin. La mer est devenue forte. Dos rond, bleu accidenté, gris. La mer a souri, mais gravement. Les fougères se sont couchées sous le vent et au passage des chevaux. Les hommes n’ont su que dire aux bêtes. Décembre rendait le sable brillant, et si la nuit tombait tôt, le jour n’en était que plus franc.
Elle s’était assise dans la dune, à même le sable froid et humide. Elle avait remonté sa veste au dessus de ses oreilles, et le col lui barrait le menton et les joues. Ses yeux pleuraient sans déborder.
Il s’ était assis sur la roche et laissait trainer quelques doigts transis par le froid dans une petite piscine d’eau de mer.
Ils ne se voyaient que parce que l’un et l’autre se savaient présents. Ils étaient tous les deux des brèches dans le paysage. Ils étaient tous les deux des mirages en somme, des corps d’entre deux mondes.
elle se mit debout et sa silhouette si fine, si fine prenait le vent, manquait de flancher toutes les secondes, manquait d’être emportée comme les algues sèches qui couraient sur la plage. Il se mit debout de l’autre côté, protégeant de ses mains son visage de l’air brutal, et criant dedans. Quel est ton nom.
le vent se chargea de rendre le message inaudible. Quel est ton nom, répétait-il sur la roche, quand elle était là-bas sur la dune, quel est ton nom ?
Toujours debout, elle regardait sans comprendre, ses yeux pleuraient sans déborder.

et ils sont comme une pointure en pointillés

Il y avait ce genre d’immenses passerelles dans la gare de l’est de Berlin. Je ne sais plus exactement quelle était cette gare en fait. Je sais que j’avais marché de longues heures, en longeant des parkings, qu’il y a avait là bas aussi, des magasins comme leader price, ou Ed, des magasins où tout était disposé à mêmes les cartons, près de murs jaunes ou bleus et souvent remplis. Des magasins où il était normal de ressortir avec paté et baguette, seulement.
Oublions Berlin. Nous sommes autre part. Même passerelle, mais moins haute. Il est 7 heures. Une voix dans le haut parleur doit l’avoir dit dans cette langue qui nous échappe totalement, mais ma foi, commençant de connaître la ville et ces lumières, nous jugeons sérieux qu’il soit sept heures. Il y a un brouillard halluciné au dessus des voies, au point qu’il nous semblerait, à moi, à lui, que les voies se jettent dans une mer de nuages. Ce serait beau s’il n’y avait ne serait-ce qu’une toute petite chance pour que ce soit vrai, mais non, alors ce n’est pas si beau que ça. De part et d’autre des voies, des entrepôts ajoutent du brun à cette masse fumeuse. Sur les toits, sur les toles, des centaines de corbeaux noirs, se posent et s’envolent. Ils le font en criant évidemment. Ils le font en jurant sur nous dans le ciel. Ils s’envolent, ils reviennent, ils font hésiter le jour. Si on regarde bien, très profondément, si on essaie de percer l’image, on se rend bien compte que le jour ne tient qu’à eux. A leur simple volonté. Ils le tirent ou le rabaissent. Tout dépend ce matin des corbeaux au dessus de la gare et ils sont comme une peinture en pointillés.

c'est évidemment lui mon fiancé

Voyez, elles ont mis leurs chapeaux, fières du dimanche. Les dames blanches, sont de riches héritières. T’as pas idée des comptes en banques, elles mêmes ne comptent plus. Il y a des sommes, c’est plus la peine, c’est passée la barrière, dépassés les bouliers.  C’est la tête en vrac des banquiers, devant leurs décolletés pigeonnants. Sur le champ de course, elles arrivent en masse, paillette, strass collés au palais, tandis qu’à la maison s’affairent, les valets en culotte mauve. C’est dimanche, et c’est particulier. La course, elles ont parié, que celui qui gagne, est celui le plus libre. Le cheval le plus fou, ce lui qui galope et qui défie les vents. Celui-là, elles l’aiment. Elles y mettent les sous. Le cheval le plus fou, je donne ma langue au chat, je donne ma somme au guichet, je lui donne, tout, redonne, celui qui galopera, sans jockey sur son dos, je fais de lui le roi. Elles ont la belle tribune, évidemment, blondes et brunes se partagent les bancs. Le pistolet déchire le ciel, et dans une fumée d’archange, les chevaux donnent le change, et s’élancent sur le champ. Pas de bataille, pas d’obstacles, ils n’ont pas de numéro collé au flanc. Ce sont des enfants. Ils courent au plus rebelle.  Et toutes les gonzes d’hurler, c’est lui mon fiancé.

la quadrature

IMG_2135.JPGToi tu pars moi je reste deux fois. C’est la condamnation. Toi tu pars, moi je regarde augmentée, lestée, alourdie de tes yeux.
Toi tu es autre part, moi je suis ici, dans le même fauteuil près de la fenêtre, où ton corps alangui et longiligne roule des joints, et fume des clopes.
Près des canisses bousculées par le vent, j’avale la fumée pour deux. Je suis quadruple poumons en berne, sous le bleu des néons fatigués. Au lieu de retrancher quand tu meurs tu ajoutes. Quelque chose de plus à nos vies à tous, quelque chose qui serait la pensée de toi, mais en plus dense. En plus permanent. Véléda indélébile, la trouille des instit, quand tu meurs, crois pas que tu t’en vas. Personne n’accepte plus les ainsi font font font les petites marionnettes.  Quand tu meurs, tes jambes marchent à côté des nôtres, trop grandes comme avant, trop gourmandes de bitume. Quand tu meurs crois pas que tu t’en vas. Ton nez respire à l’intérieur de nos narines quelque chose de plus encore, que le vent et les gelées. C’est du fil à retordre pour nos têtes, tes clopes éteintes mais consumées sur le rebord du balcon, et où tu fumes maintenant ? C’est une vieille chanson qu’on avait en tête, tous les deux, gravée sur un vinyle, qui tournait encore après que ton corps fut balancé dans les cendres.
Une chanson volatile, pour les poussières d’étoiles, quelques trop légères notes, déposées comme une gerbe.

Toi tu pars, peut être, mais nous on reste deux fois.

les pièces uniques pensa-t-elle

Elle ramassait. Coupon de la poste. Aller chercher un colis. Le faire tout de suite. Mettre l’anorak. Aller chercher un colis sous la pluie de suite, en anorak, car c’était la meilleure façon de retrouver la France, souriait-elle.
Dégoulinante elle tendait ses papiers au guichet «gagner du temps», le type était souriant, elle n’avait pas oté les écouteurs de ses oreilles. Ce qu’il pouvait dire serait inévitablement mélangé avec ce qu’elle pouvait écouter. Il ne dit presque rien, ça tombait pas mal. Elle prit le paquet. Long. Dans la longueur le paquet. Elle le posa sur une petite table au milieu de la poste. L’espace, en une seconde se restructurait autour d’elle et les yeux aussi certainement. Elle cherchait une clé pointue pour fissurer le scotch. Elle le fit mal, salement. Elle finit par tout déchirer du carton. C’était un écrin de papier beige, où il était écrit comme brodé «  Pièces unique ».  Elle sentit ses yeux se remplir de larmes. Il n’y avait aucune lettre. Tous les employés de la poste la regardaient. Elle ouvrait l’écrin de papier. Un pendentif en porcelaine tombait doucement au bout d’une chaine dorée. Laiteuse, blanche, la porcelaine. Mate. Les pièces uniques, pensa-t-elle immédiatement, ce sont les gens qui savent précisément quoi accrocher à votre cou.

30 décembre 2011

les tunnels ne savent pas pleuvoir rediff

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podcastrediff 2009 : impro piano : autre fou